Entre biologie et culture existe-t-il une santé des femmes ?

Aussi bien d’un point de vue biologique qu’historique et social, il est intéressant de se poser la question. Existe-t-il une santé des femmes ? Et, loin d’avoir fait le tour de la question, nous voulions vous partager quelques références pour susciter la réflexion et pourquoi pas la discussion autour de cette thématique.

La santé des femmes dans l’antiquité

Grèce antique (Ve et IVe siècle avant JC)

La médecine Hippocratique

En Grèce antique, à l’époque d’Hippocrate, il n’y a pas de différence de « matière » entre les hommes et les femmes. À l’époque, la maladie est considérée comme un déséquilibre. Et la médecine est une médecine des fluides et non pas des organes. Les organes ont des constitutions qu’il faut maintenir équilibrées : sec, humide, etc. En revanche, anatomiquement, il y a une différence – du moins ce qui est visible dans un premier temps car a dissection n’est pas pratiqué et la vision du corps humain est encore imprécise.

La santé des femmes

L’utérus est un organe mythique en forme de vase renversé dont on croit qu’il bouge. C’est d’ailleurs là le sens d’hystérie : on pensait que l’utérus remontant trop haut, bloquait le diaphragme et faisait suffoquer la patiente. Rien à voir avec la définition contemporaine. A l’époque on « soigne » les « mouvements » de l’utérus avec des odeurs : des fumigations à l’entrée du vagins ou devant le nez. Les bonnes odeurs étant sensées faire remonter l’utérus et les mauvaises, le faire descendre. On croit que la grossesse permettant la survie de l’espèce, elle donne meilleure santé aux femmes qui ont des enfants qu’aux femmes nullipares. A part ces « détail », il n’y a alors pas véritablement à l’époque de différence entre les hommes et les femmes du point de vue de la santé.

À l’époque Hellénistique à Alexandrie (IIIe siècle avant JC à 1er siècle après)

On commence à avoir une meilleure connaissance des organes et de l’anatomie grâce à Hérophile qui pratique les dissections. Il va proposer l’idée que la femme est l’inverse de l’homme et non pas son inférieure.
Il apporte ainsi un grand bouleversement dans la façon de concevoir les problèmes de santé. L’art de la médecine devient une médecine des organes. Il considère que les ovaires de la femme sont l’équivalent des testicules chez l’homme ce qui est structurant pour l’époque. Et pour autant, malgré cela, la médecine ne distingue pas une santé des femmes différente de celle des hommes.

A l’époque romaine (à partir du 1er siècle après JC)

C’est en particulier Soranos d’Ephèse à Rome qui rédigera le célèbre (et premier !) traité Les maladies des femmes. Cette bible des pathologies féminines sera utilisée jusqu’à la renaissance. Ses traitements font la part belle à la physiothérapie en plus de l’alimentation : exercices vocaux, bains, massages, etc. Ce qui est fondamental dans son approche, c’est la recherche de confort pour les femmes. C’est lui qui par exemple introduit les manœuvre internes au moment de l’accouchement pour permettre au bébé de se présenter dans le bon sens. Car il ne faut pas oublier que la césarienne n’existait pas et la vie du bébé et de la mère étaient en jeu dans les accouchements.
La santé des femmes est traitée en fonction de l’époque et autour de considérations presque morales : la virginité est-elle bonne ou pas pour la santé ? A quel âge se marier et concevoir ? Les pratiques de mises au monde, etc.
On remarque que dans ces 3 exemples, lorsqu’on envisage la femme du point de vue de la santé, on parle essentiellement de ce qui touche à la vie génitale, hormonale ou obstétrique : c’est-à-dire son utérus essentiellement car les hormones ne sont pas connues. Mais qu’en est-il aujourd’hui.

Etat des lieux de la santé des femmes : entre biologie et culture française

L’espérance de vie des femmes

Si l’espérance de vie reste plus importante pour les femmes que pour les hommes, l’écart tend à diminuer. Aussi, les femmes ont la change de vivre plus longtemps en bonne santé : 65.9 ans vs 64.4 pour les hommes. Et, parmi les 30 000 centenaires recensés en 2023, 86% sont des femmes.

Les « problèmes de femmes »

Cependant ces chiffres cachent une réalité qui tient à la fois de la biologie et à la fois de la culture.
D’un point de vue biologique d’abord, les femmes ont des organes sexuels féminin et un fonctionnement hormonal différent de celui des hommes. Ces éléments sont à la fois des sources de protections et de pathologie. En effet, le cancer du sein, bien que de mieux en mieux pris en charge tue encore 13 000 femmes en France chaque année. La vie hormonale féminine : qu’il s’agisse de la grossesse ou de la ménopause apporte son lot de pathologies associées et qui sont évidemment spécifiques aux femmes. D’un autre côté les hormones féminines ont un effet protecteur sur de nombreuses pathologies.

Les différences biologiques sur les pathologies mixtes

Les différences hommes-femmes ne reposent pas uniquement sur les aspects hormono-utérins. En effet, on sait aujourd’hui qu’il « existe entre les sexes de nombreuses différences biologiques qui ne se limitent pas aux organes sexuels, aux hormones et à la reproduction. »*
Ce que l’on sait par exemple moins c’est que les femmes sont davantage victimes d’accidents cardio-vasculaires que de cancers (1 décès sur 4 chez les femmes). En effet, les femmes sont moins protégées face à ces riques une fois la ménopause passée. Aussi, les symptômes et le type de pathologie provoquant l’accident diffèrent souvent de celui des hommes. Si bien que le diagnostic peut arriver trop tardivement.
Autre élément important qui relève à la fois du biologique que du culturel : le tabac affaiblit beaucoup le système immunitaire des femmes que celui des hommes. On le voit particulièrement sur les pathologies cardio-vasculaires mais également sur les cancers. Le « package » stress + tabac + obésité + hypertension + cholestérol est beaucoup plus toxique pour les femmes que les hommes. En revanche, l’hygiène de vie chez les femmes est un facteur de protection beaucoup plus important pour elles que pour les hommes. Cela vaut donc le coup de prendre soin de sa santé lorsqu’on est une femme !

La question de la contraception dans la santé des femmes

Peut-être est-il utile d’évoquer les méfaits des contraceptions hormonales sur la santé des femmes. Par exemple l’augmentation par 30 du risque d’accident cardio-vasculaire ! Bien que nous soyons en 2024, il est encore difficile pour de nombreux couples d’envisager que le partage le poids sur la santé (et le coût financier !) de la contraception pourrait être partagé. Pourtant la question ou en tout cas la discussion s’impose…

Mais aussi…

La santé des femmes soulève de nombreux autres sujets.

Sujets féminins de santé

  • La chute de 65% du nombre de gynécologues depuis 2010 suite à la restriction des places en formation.
  • Suite à la ménopause, l’ostéoporose n’est pas toujours prise en charge.
  • Les protections menstruelles peuvent, même en 2024, être source de contaminations y compris les modèles bio. Elles peuvent contenir des résidus de pesticides, de glyphosate, de chlore, de phtalates ou de formaldéhyde).
  • Discrimination des femmes face à la prise en charge de la douleur ou tout simplement face à l’accès aux soins.
  • Les femmes occupent beaucou plus souvent le rôle d’aidant pour les proches qui tombent malades. On constate qu’il s’agit d’une attente collective. Mais surtout, l’impact peut se révélé important sur leur propre santé (mentale et/ou physique).
  • Le partage des tâches ménagères dans les foyers est encore non équitable en 2024. La conséquence est un travail domestique plus grand pour les femmes que pour les hommes.
  • La place des femmes dans la société a des répercutions sur les choix de métiers et de carrière. Alors qu’elles sont souvent meilleures à l’école, les femmes souvent s’auto-censurent dans la vie professionnelle. Elles ont par exemple plus souvent des métiers où la charge psychologique est importante et où l’autonomie décisionnelle est limitée. Elles sont plus concernées par des métiers sujets aux troubles musculo-squelettiques.
  • Les tests de médicaments commencent tout juste à être envisagés sur des femmes alors qu’elles sont 2 fois plus sujettes aux effets secondaires. Les médicaments disponibles aujourd’hui sont donc « faits » pour les hommes.
  • Etc. etc.

Une lente avancée

Si l’Antiquité a apporté les premières considérations en matière de santé des femmes par un début de prise en charge de l’accouchement, les progrès ont été spectaculaires depuis globalement sur toute la médecine. On ne risque plus sa vie à chaque maternité, on connait l’anatomie féminine et on peut guérir certains cancers. En revanche, il reste encore du chemin à parcourir. Le sujet de la santé des femmes relèvent donc à la fois d’une réalité féminine biologique mais aussi (et peut-être surtout) d’un climat social, d’un environnement culturel qui renvoie encore souvent les femmes aux rôles qu’on assigne à leur genre et à la définition qu’on donne aux différentes pathologies. La santé des femmes est intrinsèquement lié à ces considérations.

Pour aller plus loin

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