Comment ça marche la douleur ?

Il arrive souvent dans la vie de tous les jours de dire qu’on a mal quelque part. Mais entre petits bobos, douleurs aigües et douleurs chroniques, concrètement, comment ça marche la douleur ? Sommes-nous tous égaux face à elle et avons-nous des moyens pour réduire cette douleur ? Faisons ensemble le point sur cette question.

A quoi sert-elle ?

Notre représentation commune de la douleur est qu’il est un système d’alarme. Le problème est qu’il nous alerte y compris sans lésion. En effet, d’après le neurologue Nicolas Danziger, « la douleur n’est pas une simple transcription de la réalité physique mais l’idée que notre cerveau se fait d’une éventuelle atteinte de notre intégrité corporelle. » Il y a en effet un décalage entre les dégâts réels dans le corps et la sensation de douleur. Et, l’intensité de la douleur est, vous vous en doutez, influencée par la signification de la blessure. Tout dépend de la façon dont on se représente ce qui s’est passé et donc la représentation associée.

Comment on se rend compte de la douleur ?

C’est un message qui est réorganisé à chaque étape de son trajet. La peau, les muqueuses, les muscles, les tendons ou les ligaments ont des nocicepteurs c’est-à-dire des cellules qui sont sensibles à la douleur. « Il existe plusieurs types de nocicepteurs, chacun étant spécialisé dans la transmission d’une sensation particulière : piqûre, brûlure, température, pression… ». Lorsqu’il sont activés (par la chaleur, la pression, l’étirement excessif ou une lésion) ils envoient l’information, grâce à une impulsion électrique qui transite par la moelle épinière, vers le cerveau. Ensuite, d’autres flux nociceptifs prennent le relais jusqu’au cerveau. Le cerveau va provoquer 2 type de réponses. Une réponse motrice : comme lorsque votre main s’écarte de la source de chaleur sans même que vous y ayez réfléchi. Et, une réponse immunitaire : des sécrétions de substances pro-inflammatoire et antalgiques vers la zone douloureuse pour démarrer un processus de cicatrisation. Les informations circulent donc dans les 2 sens, c’est ce qu’on a appelle des boucles rétroactives.

Une information rapide

Bien qu’il y ait plusieurs étapes dans la trajectoire, l’information circule extrêmement rapidement de sorte à ce que le corps puisse produire une réponse motrice rapide. On réalise d’ailleurs souvent ce qui s’est passé alors que notre corps avait déjà réagit pour nous : face à une source de chaleur comme dans notre exemple précédent, ou bien lorsqu’on recule d’un pas sur la passage piéton alors qu’une voiture arrivait à toute vitesse.

Une douleur subjective ?

« La douleur est un processus de construction et d’interprétation. Non pas la traduction fidèle du dommage corporelle mais l’idée que le cerveau se fait de la menace de l’intégrité corporelle en fonction du contexte psychophysiologique et des priorités de l’organisme. »
Ce que Nicolas constate dans sa pratique de médecin c’est que les patients peuvent avoir des croyances (fausses !) qui filtrent la réalité.

Croyances sur la douleur

Voici les 8 idées fausses que l’on peut se faire lorsqu’on a mal quelque part.

  1. S’il y a douleur c’est qu’il y a lésion. Souvent les patients pensent que l’intensité de la douleur est corrélée à la gravité de leur situation.
  2. Si l’on guérit la douleur, c’est que l’on a guéri la lésion. C’est une erreur car cela n’est pas toujours lié. D’autant que la douleur est un phénomène limité dans le temps, le corps développe un système d’accoutumance, de tolérance à la douleur. C’est sur cette tolérance que travaillent notamment les sportifs de haut niveau pour pousser leur corps.
  3. La guérison implique la visualisation de la lésion causale. Parfois, on n’arrive pas à trouver la cause de la douleur.
  4. Toute contradiction avec ce scénario intuitif est vécu comme un non-sens. Si un médecin ne prend pas au sérieux nos ressentis, cela menace le sens de notre réalité.
  5. J’ai peur qu’on ne me croit pas. A l’instar du point précédent, la négation de votre parole, de votre douleur est difficile à vivre, surtout lorsqu’il s’agit d’une maladie chronique ! On peut donc développer une forme de peur, avant même d’avoir eu l’avis du médecin.
  6. Il existe forcément un traitement qui apporte une solution totale. Hélas, ce n’est pas toujours le cas. Et là le travail d’acceptation bien qu’ardu est indispensable !
  7. Si ça ne fonctionne pas c’est la faute de quelqu’un, et peut-être de la mienne. C’est évidemment faux. Ca n’est de la faute de personne. La médecine continue de progresser mais elle est loin d’avoir réponse à tout.
  8. Et si je devenais dépendant du traitement ? C’est une croyance liée à la toxicité probable des médicaments.

Il existe côté soignants aussi un certains nombre de croyances fausses concernant les patients (…) que nous ne développerons pas ici car ce n’est pas le sujet.

Une dimension culturelle

Selon les époques et les endroits où l’on a grandit, nous n’avons pas appris à gérer la douleur de la même manière. Ainsi, la culture inculque une certaine tolérance ou non à la douleur, la façon d’exprimer celle-ci, ou encore autorise ou non à s’en plaindre. Cette dimension culturelle est intéressante car elle permet de mettre en perspective quelque chose de concret qui est ressenti physiquement avec une forme ou non de prise de recul. Donc si une même douleur soit infligée à 2 personnes, ces dernières peuvent y réagir de façon totalement différente simplement du fait de leurs apprentissages.

Les solutions & stratégies face à la douleur

Ce qui est certain, c’est que l’état naturel, attendu pourrait-on dire, c’est d’avoir un corps silencieux c’est-à-dire sans douleurs. Et ce n’est pas sans rappeler les apprentissages des Yogas Sutras dans lesquels on comprend que le Yoga a représenté un échappatoire à une vie humaine douloureuse. Alors si on s’en réfère au Yoga, y a-t-il des choses à retenir pour aider à sortir de la douleur ? Oui !

L’acceptation

D’une limite, d’une blessure, d’une maladie. Il ne s’agit pas ici de lutter contre mais plutôt de faire avec et de s’adapter.

Le mouvement

Le message nociceptif va vite, mais les sensations liées à la contraction musculaire et au mouvement aussi. A vrai dire ces informations entrent en compétition pour être traitées par le cerveau (théorie du « gate control »). La sensation d’effort musculaire peut passer devant la douleur. Il suffit d’un effort musculaire sur une autre zone que celle qui est douloureuse. Des sensations agréables sur les autres parties du corps font diminuer les sensations pénibles de la zone douloureuse.
2e effet kisscool : l’activité physique influence fortement la production d’endorphine et induit un effet analgésique dans tout le corps. Ce qui signifie que l’activité physique produit un anti-douleur naturel.
A noter également qu’elle a un effet anxiolytique prouvé ce qui permet d’agir sur le moral et en particulier l’anxiété, le stress ou le sommeil.

La compréhension de son corps & l’écoute de ses limites

Certaines douleurs sont intégrées dans notre vie de tous les jours. L’adage « il faut souffrir pour être belle/beau » pour ne citer que celui-là n’est pas sans effets. Et la souffrance peut être carrément un objectif pour certains sportifs. On sait d’ailleurs que le circuit de la récompense dans le cerveau est tel que la satisfaction ou le bien-être après une période difficile ou douloureuse amène au raccourci que le mal est nécessaire. Les accros à l’adrénaline ou au stress fonctionnement ainsi : ils se jettent dans la difficulté en attendant la fin pour avoir leur « shoot » de bien-être. Avec l’idée que plus la difficulté est intense, plus intense sera le « shoot ». Ce qui n’est pas toujours vrai. Et, cela habitue le cerveau à des niveaux de doses élevés de ces neurotransmetteurs. En somme, c’est un peu comme une drogue !
Et pour les autres, qui ne sont pas sportifs, il est possible qu’ils aient gardé en tête que la souffrance est « normale ». Que s’il se passe quelque chose dans son corps, il est normal que ce soit douloureux. Or, nous pensons qu’il est important de différencier les sensations du corps. Entre un travail musculaire soutenu et de la douleur aigüe par exemple. Il ne s’agit pas de la même chose. Le travail musculaire fait progresser. En revanche la douleur aigüe non. Le mouvement, la mobilité, l’équilibre, même ardus sont bénéfiques alors que la douleur pure non. Aussi, faut-il comprendre ce qui se joue dans le corps et chercher un « terrain de jeu » où le travail est possible. Car à buter contre sa douleur, le corps ne progresse pas et au contraire, il peut développer des stratégies d’évitement ou des peurs.

Si le sujet vous intéresse et que vous voulez en savoir plus, voici un dossier de l‘INSERM sur la douleur. Ainsi qu’un article sur le lien entre activité plysique et réduction de la douleur.

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