Les vertus du poisson cru en 5 questions

On entend beaucoup de choses sur le poisson et avec les beaux jours, il s’invite facilement à nos tables pour des plats hauts en couleurs. Mais est-ce que ces tartares et autre ceviches sont bons pour la santé ? Y a-t-il des précautions à prendre et quelles sont leurs promesses ? Pour répondre à ces questions, nous sommes allés interviewé Audrey Bauchet, diététicienne-nutritionniste à Puteaux.

1. Quelles sont les vertus du poisson cru ?

Il y a plusieurs choses. D’abord les vertus du poisson. Ensuite, il y a les vertus du cru.

Les vertus du poisson

C’est très bon de manger du poisson, en particulier des poissons gras car ils ont une forte teneur en Acides Gras Essentiels (AGE), notamment les Omégas 3. On dit qu’ils sont « Essentiels » car le corps n’est pas capable d’en fabriquer. Nous sommes donc obligés de puiser nos besoins dans notre alimentation. Les sources d’Omégas 3 ne sont pas très nombreuses : poissons gras, quelques graines ou herbes (lin, bourrache), et des huiles (cameline, colza, noix par exemple). Parmi les AGE, il y a les Omégas 6 qui sont importants pour notre corps aussi mais qu’on a tendance à surconsommer. Cela est dû en partie au fait  que les animaux d’élevages sont nourris aux Omégas 6. Idéalement, il faudrait avoir un rapport de 4 Oméga 6 pour 1 Oméga 3 dans notre alimentation. Alors que nous sommes à beaucoup beaucoup plus en moyenne. Les Omégas 3 sont des anti-inflammatoires naturels, ils fluidifient le sang et entrent dans la composition des cellules de nos neurones. Autrement dit, les Omégas 3 sont des bons gras qui nourrissent notre cerveau.

Les vertus du cru

Manger cru a ses propres vertus, sans que cela soit spécifique au poisson. Par exemple, cela permet une meilleure préservation des nutriments. Dans le cas du poisson en particulier, cela permet aussi l’apport d’un peu de vitamine D, de vitamine A et d’Iode.

En effet, la cuisson favorise la déperdition des nutriments et cela est très variable selon le mode de cuisson. Pour une cuisson à l’eau, la perte sera de 30 à 50% tandis qu’une cuisson à la vapeur permet le maintient de 90% des nutriments. La cuisson à température élevée, à la poêle par exemple, provoquera une oxydation des Omégas 3.
Si vous préférez le poisson cuit, optez donc soit pour la cuisson vapeur, ou bien une cuisson « mi-cuit ».

Enfin, notre digestion est possible grâce aux enzymes présentes dans notre microbiote intestinal, mais également grâce aux enzymes présentes dans l’aliment. Et lorsque l’on consomme les aliments crus, on préserve celles déjà présentes dans l’aliment.

2. Y a-t-il des précautions d’usage et/ou de préparation au poisson cru ?

Je recommande vivement le choix d’un poisson frais. Il faut être particulièrement vigilant à ce qu’il n’y ait pas de rupture dans la chaîne du froid. C’est-à-dire que le poisson frais doit rester réfrigéré, il ne supporterait pas des variations de température.

Si votre poisson est surgelé, alors il faut prévoir une décongélation au réfrigérateur et surtout pas à l’air libre. Cette dernière option amplifierait la prolifération bactérienne.
Si votre poisson (frais ou décongelé) est gluant, très mou ou avec une odeur très forte c’est très mauvais signe. Et il vaut mieux le jeter, le cuire ne suffirait pas.
Certaines bactéries peuvent être tuées par la congélation mais pas toutes. C’est la raison pour laquelle, un poisson frais est toujours à privilégier. D’autant plus si vous n’êtes pas sûr.e de le congeler vous-même correctement.

3. Y a-t-il une association à privilégier ?

Les poissons gras sont ceux à privilégier : thon, espadon, saumon, truite et dorade (moins gras). Ils sont non seulement intéressants d’un point de vue nutritionnel mais aussi d’un point de vue gustatif car leur chair est ferme. Ils se prêtent donc bien à une préparation cru. Ce qui est moins le cas des sardines ou maquereaux qui sont de bons apports en Omégas 3 mais n’ont pas les mêmes propriétés gustatives.
D’un point de vue nutritionnel, il n’y a pas de mix meilleur qu’un autre. Toutes les associations sont possibles : fruits, légumes, épices, herbes. Le seul élément qui peut jouer éventuellement c’est la digestivité. Par exemple équilibrer le gras du poisson avec une saveur acidulée (citron, framboise) peut être intéressante. Les épices peuvent aussi dans certains cas annihiler l’effet de bactéries. Faites-vous donc plaisir et choisissez les associations qui vous font envie et qui vous inspirent selon la saison. En ceviche, en tartare ou en marinade.
D’un autre côté les saveurs suaves se prêtent aussi bien à ces mélanges : mangue, avocat ou noix de coco.

Pensez à utiliser une planche à découper très propre pour découper votre poisson !

4. Y a-t-il des saisons pour manger du poisson cru ?

D’un point de vue du corps humain pas particulièrement. En revanche, la saison doit vous aider à faire votre choix du poisson. Tous les poissons ne sont pas disponibles tout au long de l’année. Ils se reproduisent à certaines période. Il y a donc une saisonnalité à respecter pour les poissons. Votre poissonnier saura vous aiguiller.

5. Y a-t-il des contre-indications à la consommation de poissons crus ?

Oui. Manger du poisson cru reste une prise de risque d’un point de vue bactérien. Les personnes les plus à risques sont les femmes enceintes, les enfants de moins de 3 ans, les personnes âgées ainsi que les personnes immunodéprimées. La solution pour ces personnes serait de le consommer mi-cuit. 
D’ailleurs, il faut bien avoir en tête que lorsque l’on parle de poisson cru, cela concerne également des produits fumés ou en salaison. Le risque bactérien demeure le même sur un saumon fumé que sur un poisson cru ! Aussi, les personnes qui présenteraient des difficultés digestives ou ayant des problèmes de vésicule biliaire pourraient avoir du mal à digérer des poissons gras. Il faudrait pour ces personnes les consommer avec modération.

*bonus recette*

Voici une préparation délicieuse de poisson cru. A préparer juste avant de la déguster (comme toutes les recettes de poisson cru !). Je vous laisse le soin de mettre plus ou moins de chaque ingrédient selon vos goûts.

  • thon cru coupé en cubes,
  • lait de coco
  • citron vert
  • ciboulette ciselée
  • petits morceaux de concombre
  • petits morceaux de poivrons (jaunes pour un bon mariage des couleurs)
  • oignon rouge émincé fin
  • câpres
  • petits morceaux de mangue
  • sel et poivre

Les polynésiens recommandent de toujours commencer par mélanger le poisson au citron pour « le cuire » et lui donner un aspect et un goût qui passe mieux pour les enfants. Ensuite, on ajoute tous les ingrédients, on mélange, et on se sert ! Un délice !
On peut le manger avec du riz blanc, avec de la salade ou des petits légumes.

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