Souplesse vs raideur : lequel est le mieux pour votre santé ?

Comme beaucoup de personnes vous vous dites qu’il faut être souple et que peut-être le Yoga est la solution à votre raideur ? Vous associez souplesse avec bonne forme physique ?
Au risque de vous surprendre, nous voulons éclaircir ici la différence entre la souplesse et la raideur et lever quelques idées fausses sur le sujet. (Re)découvrez également quels sont les impacts sur votre corps et votre santé pour chacun d’eux.

Une souplesse demandée et attendue

Souplesse, un indispensable du Yoga

D’après l’Ipsos (2016), la souplesse serait la première source de motivation pour pratiquer le yoga, avant le stress, la forme ou la santé ou Etats Unis, et 2e source de motivation en France, après le bien-être (SNPY 2021). Mais d’un autre côté le préjugé selon lequel il faut être souple pour faire du Yoga a la vie dure.
Car en effet, la souplesse ou l’idée de la souplesse peut constituer un frein à la pratique. Selon la même étude, ne pas être assez souple constitue un frein à la pratique du yoga pour 27% des français.
Son corollaire est que le Yoga est accessible à tous, y compris les postures dites « avancées ». Et que donc par conséquent, il va falloir s’armer de patience et dompter son corps pour y parvenir. Avec l’idée qu’évidemment si vous êtes souples au départ, le chemin sera moins long et moins douloureux.
Mais il n’en est rien et nous allons vous expliquer pourquoi !

Souplesse, une attente forte des yogis

Dans une culture où l’activité physique est associée au sport, au challenge, il est difficile de ne pas concevoir aussi le Yoga comme une pratique dans laquelle on va chercher à se surpasser. Il n’est d’ailleurs pas rare que les élèves se définissent selon un « niveau » et les voir se jauger à leur voisin.e de tapis.
Cette pratique erronée du Yoga pousse les yogis à se positionner toujours vers le maximum. Ils cherchent à faire le plus possible, pensant faire le mieux. Avec toujours cette croyance en tête que c’est positif d’être souple et que pour l’être, il faut qu’on aille loin.

Sauf que pour deux raisons ces croyances sont fausses ! D’abord le Yoga est une pratique où l’ego doit rester à la porte. Donc chercher la valorisation, le dépassement ou la distinction ne fait que nourrir l’égo et nuit à votre libération mentale.
Ensuite, et c’est tout l’objet de cet article, lorsque l’on parle de souplesse, on fait le plus souvent allusion à une grande mobilité articulaire. Or celle-ci n’est pas liée à notre pratique d’adulte (pour les enfants, c’est un autre sujet), elle est liée aux capacités intrinsèques de notre corps.

Souplesse et hypermobilité : quelques définitions

L’hyperlaxité désigne les tissus plus lâches que la norme ce qui ne correspond pas tout à fait à ce que l’on nomme « hyperlaxe » dans la vie de tous les jours. Et l’hypermobilité articulaire désigne une amplitude de mouvement plus grande que la norme. C’est ce que souvent on met derrière le mot « souplesse ».
Il faut savoir faire la différence entre souplesse et hypermobilité. Car la mobilité « normale » est un mouvement du corps (mouvement fonctionnel) que l’on effectue sans douleur avec une certaine souplesse, force, stabilité articulaire et contrôle neuromusculaire (coordination, équilibre, etc.). Il ne s’agit en aucun cas d’un rendu visuel type grand écart ou tête posée sur le pied. Il s’agit d’une sensation de corps souple.

Qu’attendre du Yoga en matière de souplesse ?

Plusieurs spécialistes ont affirmé que l’on ne pouvait pas étirer les tendons ou les muscles. Le gain en Yoga ne serait donc pas au niveau de la souplesse des tissus mais au niveau de la mobilité. En fait, les yogis retrouveraient avec la pratique une souplesse qu’ils avaient « avant », mais on ne pourrait pas obtenir des résultats qu’on n’avait jamais obtenus avant (dans le cas où il n’y a pas de pathologie). Les étirements, la pratique du Yin avec notamment le relâchement des fascias permet de gagner en souplesse mais pas plus que ce pourquoi le corps serait programmé pour.

Une raideur mal-aimée et pourtant nécessaire

L’envie d’aller loin avec le Yoga

Le problème c’est que l’image du Yoga donnant des corps souples est tellement ancré qu’il est difficile de combattre ce graal. D’autant que la proportion de personnes hypermobiles est surreprésenté chez les professeurs de yoga. En effet, il y aurait entre 10 à 20% d’hypermobiles dans la population mais est 50 à 80% d’hypermobiles parmi les professeurs de yoga. Les « modèles » dans les cours de Yoga seraient donc bien souvent plus souples que la population générale. Et ce, non pas lié à leur pratique, mais lié à leur capacités de départ. Probablement d’ailleurs qu’il y a là un biais de sélection au départ, c’est-à-dire que la souplesse naturelle serait vue comme une « compétence » qui serait mise en avant pour devenir professeur de yoga.

Les difficultés dans les postures de Yoga

Une étude datant de 2018 réalisée par des chirurgiens orthopédiques a démontré que 11 postures de yoga dites « standard » sont des postures qui ne sont pas accessibles à tous. Voici la liste des postures : 

  • chien tête en bas,
  • uttanasana, la pince debout,
  • le pigeon,
  • torsion assise,
  • pyramide inversée,
  • anjaneyasana, le croissant de lune,
  • Guerrier 1 et 2
  • Ardhachandra
  • Garudasana, l’aigle,

Elles seraient des postures qui exigeant une mobilité de hanche qualifiée d’« extrême », c’est-à-dire bien au-dessus des amplitude physiologiques (moyennes !). Les normes étant établies sur un grand nombre d’individus sans douleurs ni dysfonctionnements. Il est donc facile de se sentir en difficulté dans des postures dites basiques !

Est-ce qu’on est raide ?

La raideur n’est pas une donnée objective. Il s’agit d’une sensation individuelle, une perception subjective, un ressenti désagréable. La tension quant à elle, est au contraire de la souplesse, une force de traction des tissus (muscles, tendons, ligaments, fascias) même si dans le langage commun et dans le ressenti, on l’associe à tort à la raideur.
Les freins physiques à la souplesse peuvent être variés et multiples :

  • la forme des os,
  • le système nerveux (tolérance individuelle à la sensation désagréable d’étirement),
  • la raideur des tissus (muscle, ligament, tendon, os, etc.).

Les tendons et les ligaments ont pour rôle de maintenir l’intégrité de la structure. Pour ces tissus conjonctifs, on parle de tenségrité. C’est une forme d’équilibre tensionnel. Comme notre main, lorsqu’on dort : elle est ni complètement ouverte ni complètement fermée, elle est en équilibre entre les 2 forces.
Le tissus conjonctif doit pouvoir résister à la déformation due aux mouvements et ainsi stabiliser l’articulation. Il doit donc être épais et d’une certaine façon… raide ! En somme, il empêche l’articulation d’aller trop loin.

Quel est donc le problème de « trop » de souplesse ?

Si vous êtes vous êtes naturellement souple et que donc vous avez une grande mobilité articulaire, votre objectif ne devrait pas d’aller encore plus loin dans vos articulations, mais plutôt de travailler le maintien. C’est-à-dire qu’à défaut d’avoir des butées articulaires suffisantes, il faut retenir avec les muscles. Donc l’enjeu lorsqu’on est très souple au niveau des articulations (donc hypermobile), c’est de muscler pour pouvoir protéger l’articulation.
Souvent, les personnes très souples, qui n’ont pas de sensation de travail musculaire, se laissent aller dans leur hypermobilité car c’est facile. Cela pourrait causer des dommages avec le temps notamment en amenant des instabilités articulaires.

Les recommandations faites par Dr Jane Simmonds, spécialiste du sujet, pour les personnes très souples, donc hypermobiles sont les suivantes.

  • Renforcement isométrique (maintenir les postures),
  • Renforcement excentrique (la résistance de relâchement après contraction : lorsqu’on vous parle de « maîtrise » du mouvement),
  • La conscience corporelle (ça vous savez !),
  • L’entrainement à l’équilibre
  • La stabilisation articulaire : quelle que soit la posture, les articulations ne doivent jamais être douloureuses !
  • Et l’endurance.

Pour conclure, n’oubliez pas qu’en matière de santé et de corps c’est toujours une question d’équilibre. Dans les Yoga Sutras on retrouve cette idée dans « Sthira shkham asanam ». Chaque posture est maintenue à la fois par de la stabilité, de la force et du confort. Si vous vous jetez dans une posture sans contrôle, que vous agitez tout le temps ou que vous fatiguez trop rapidement, vous n’y êtes pas. Le Yoga n’est donc pas que souplesse !

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